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26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 23:55

 

LA grande affaire du moment est évidemment celle concernant DSK. On n'entend plus parler que de ça, au point que la mort d'Oussama Ben Laden ou même les révolutions arabes semblent au moins provisoirement mises de coté. Par delà l'aspect sensationnel inévitablement liée à l'implication de l'une des personnalités les plus influentes du monde, on peut se demander s'il est réellement légitime d'y accorder une telle importance. Je suis intimement convaincu que oui, et ce pour toute une série de raisons.

 

Car cette affaire, outre sa portée politique, est également hautement symbolique à plusieurs niveaux. Elle montre à quel point un homme, extraordinairement puissant, peut du jour au lendemain se voir ramener à la dure réalité de sa condition d'homme, finalement tout aussi vulnérable que ses semblables. Elle montre à quel point, quel que soit le niveau de pouvoir, tout le monde garde ses faiblesses, et en l'occurrence une faiblesse tout aussi grave que primaire; celle de céder à un instinct quasi-animal, en abandonnant au passage toute dignité humaine.

 

On m'objectera que jusqu'à présent rien n'est prouvé. Nombreux sont ceux qui croient que DSK est innocent et qu'il s'agit d'un complot à son égard. Pour être honnête, ce fut ma première impression lorsque j'ai appris la nouvelle. Il faut dire qu'à ce moment d'une part aucune information fiable ne circulait, et d'autre part deux sentiments dominaient: l'incompréhension devant une telle bêtise, qui paraissait impossible de la part d'un homme aussi important au sommet de sa carrière, et le timing presque trop parfait, à un mois de l'annonce de sa candidature à la présidentielle laquelle doit en gêner plus d'un. Mais il ne s'agissait là que de pensées en réponse à une émotion, et non à la raison.

 

Car une fois le choc passé, il faut bien se rendre à l'évidence que les faits sont pour le moins troublants, et qu'une fois admis que personne n'est à l'abri d'une « faiblesse », on ne peut que reconnaître que celle-ci n'est pas impossible chez DSK, homme à la réputation sulfureuse. Entendons-nous bien: je ne dis pas qu'il est coupable. Je n'en sais rien, et je dois également admettre qu'il est bien possible que l'on ne connaisse jamais toute la vérité sur le fond de l'affaire.

 

Cette affaire montre un incroyable gâchis, probablement l'une des chutes les plus remarquables jamais observées, et ce au pire moment alors que le FMI se trouvait à gérer à la fois la crise en Europe, mais aussi se devait de jouer son rôle dans les bouleversements du monde arabe, avec pourquoi pas l'élaboration d'une sorte de « Plan Marshall ». Rarement un homme de cette stature n'a été ainsi jeté du jour au lendemain en pâture à la fois aux médias, mais aussi et surtout à la vindicte populaire. Et je ne parle même pas des diverses associations féministes qui, à tort ou à raison, récupèrent cette affaire d'une manière assez démagogique, comme souvent d'ailleurs. Je parle bien de la populace américaine en général, chez qui le sentiment anti-Français déjà vu en 2003 semble revenir.

La faute à une incompréhension, d'ailleurs mutuelle, liée à la différence de traitement de la vie privée des personnages publics par les presses françaises (au sens large, car c'est la même chose en Belgique) et anglo-saxonne. On pourrait sans doute argumenter pendant des heures sur les mérites des unes et des autres. Personnellement, je suis pour le respect de la vie privée, mais il est clair qu'un homme politique se doit d'être un minimum prudent, sachant que cet aspect de sa personnalité peut à tout moment lui être reproché. Il faut de plus se méfier des amalgames et des préjugés: libertin ne signifie en rien délinquant sexuel, pas plus qu'un homosexuel n'est pédéraste. Cependant, les Américains, dans leur puritanisme ridicule, entendent que leurs hommes politiques soient irréprochables à ce niveau et surtout jouent franc-jeux. Une carrière peut tout à fait être brisée par la révélation d'une relation extra-conjugale, même si sur le plan de la stricte légalité, celle-ci n'est en soit pas condamnable.

 

L'incompréhension survient plutôt chez nous en ce qui concerne la justice américaine, singulièrement différente de la notre. Sans vouloir porter de jugement, il convient de remarquer que la notion de présomption d'innocence semble absente du système judiciaire américain. On constate également à quel point le prévenu a peu de droits comparativement à ce qui se fait de notre coté de l'Atlantique. Ainsi, il est par exemple interdit en Belgique de filmer, photographier ou même simplement représenter un prévenu contre sa volonté. Tout le contraire aux USA, où l'on a plutôt l'impression que le prévenu est exposé à la rage populaire, comme s'il s'agissait d'un relent de la belle époque des lynchages. On pourrait par conséquent se demander quel est le rôle de la justice pour les Américains: s'agit-il de satisfaire une basse envie de vengeance, ou bien de contribuer à la protection de la société (ce qui doit être, à mon sens, la priorité)? L'étonnement se poursuit quand on se penche sur le déroulement des procès en eux-mêmes. Ainsi, le système de plaidoiries à de quoi surprendre: si le prévenu reconnaît ce qui lui est reproché (je n'ai pas dit ce qu'il a fait, notez la nuance), les négociations s'ouvrent avec le plaignant pour trouver un arrangement à l'amiable. Ce n'est qu'en cas de non-reconnaissance que l'on va au procès. Quel est le but de cette procédure, je n'en ai aucune idée. Peut-être vise-t-elle à favoriser le repentir du prévenu? Toujours est-il que l'on semble surtout faire peu de cas de la recherche de la vérité: un innocent à parfois tout intérêt à plaider coupable s'il a de gros risques de perdre un procès le cas échéant.

 

Quant au procès, il semble n'être qu'une sorte de joute entre accusation et défense, plus encore que c'est le cas chez nous. Peut-être est-ce lié au caractère exceptionnel (de part ses implications) de l'affaire. Toujours est-il que la procédure ne se concentre que très peu sur la recherche de la vérité. Au lieu de ça, on se penche d'un coté comme de l'autre plus sur la forme que sur le fond: d'une part en tentant de démontrer que la présumée victime est une menteuse (sur tout à fait autre chose, comme ses origines par exemple) ou de l'acheter, et de l'autre que DSK ne serait qu'une sorte de pervers qui n'en est pas à son coup d'essai. Une autre symbolique, qui a tout pour déchaîner les passions (et faire vendre au passage pas mal de papier pour la presse à scandale), c'est le scénario limite hollywoodien avec l'affrontement dantesque entre une noire, issu des quartiers populaires du Bronx, mère de famille veuve à la fois de son mari et de son pays, et le multi-millionnaire, patron du FMI n'hésitant pas à étaler sa fortune, et futur candidat à la présidentielle en France. Difficile de faire plus caricatural... En tout cas, il est notable qu'aux Etats-Unis, la fortune confère finalement plus d'obligations que de droits: une personne à la fois riches et publique se doit être bien plus irréprochable. Et si l'on peut faire un exemple de temps à autre pour le rappeler, pourquoi s'en priver?

 

Je ne vais pas m'étendre sur les récupérations politiques des uns et des autres, les opportunités manquées, les réactions souvent dénuées de sang-froid venant d'amis ou d'ennemis. Je ne vais pas m'étendre non plus sur l'hypocrisie, tant des médias que de certains hommes politiques, qui reprochent le peu de compassion que l'on a vis-à-vis de la présumée victime. Tous ces points sont relativement habituels dans pareille histoire, étant tout au plus amplifiés par la dimension due à l'importance du personnage impliqué. On pourrait également soulignerl'ironie d'une droite qui en profite pour se refaire une conscience, tout comme on pourrait s'interroger sur l'avenir de la gauche dans ces présidentielles. Cette même gauche qui tenait son champion, et dont on peut se demander si elle ne va pas recouvrir, en l'absence de celui-ci, ses vieux réflexes de luttes fratricides qui ont déjà causé son échec en 2007, avec les conséquences que l'on connait.

 

Les semaines à venir vont être intéressantes, et personne ne peut actuellement prédire ce sur quoi elles vont déboucher. Car par delà la symbolique, il y a également les conséquences directes, pour la femme et l'homme bien sûr, pour l'ensemble de la classe politique française ensuite, et enfin pour les Français de manière générale.

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