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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 23:13

 

Pas si loin de chez nous, en Europe même, s'est déroulée l'année dernière une révolution qui se poursuit encore actuellement. Et pourtant, nul n'en a entendu parler, et très peu de médias s'en sont fait l'écho. Au point que cela paraît irréel.

 

L'affaire concerne l'Islande et non, le mot révolution n'est pas de trop. Certes, le chef du gouvernement n'est pas passé par la guillotine mais pourtant et en dehors de ce détail concernant la forme, la situation est assez similaire à celle de 1789. Pour la première fois depuis deux siècles reviennent des mots tel que « assemblée constituante », « nationalisation des ressources » ou encore « séparation des pouvoirs ». Surprenant non?

 

Et pourtant, les informations sont difficiles à collecter pour se faire une image claire de la situation. Tout au plus peut-on trouver un article du Figaro, ou un autre du Courrier International. En tapant « Islande » sur Google, vous trouverez bien plus d'informations concernant la fameuse éruption volcanique du printemps dernier ou la chasse à la baleine traditionnelle... Dans ces conditions, difficile de brosser un tableau claire de la situation, et ce d'autant plus que l'on entend rarement parler de ce pays insulaire de 300 000 habitants dont finalement peu de gens se soucient. Tout au plus sait-on que les banques Islandaise ont été durement touchées par la crise en 2008, et encore sommes-nous au courant de cela que parce que 8 000 Belges qui avaient déposés leurs économies là-bas avait eu du mal à les récupérer.

 

Et pourtant, le point de départ de cette révolution est lié à cette même crise. Suite à la faillite des institutions bancaires emportées dans la tourmente, le peuple était descendu en rue fin 2008 pour demander le départ du gouvernement, en particulier le parti conservateur au pouvoir depuis la Seconde Guerre Mondiale. Un événement inédit dans ce pays qui ne dispose pas d'armée et n'a que des forces de l'ordre très réduites tant les mœurs sont calmes. Un gouvernement provisoire avait suivi, qui se trouvait confronté à un grave problème: celui du remboursement de crédits de plusieurs milliards contractés notamment auprès des Pays-Bas. Soumis à un référendum, ce remboursement avait été rejeté par une large majorité de la population qui a alors déposé le gouvernement et décrété la formation d'une assemblée constituante, composée de simple citoyens élus par leurs pairs, le 27 novembre dernier.

 

Cette assemblée est chargée de rédiger une nouvelle constitution attendue pour cet été. Parmi les points abordés, une redéfinition des différentes institutions de l'état, une séparation des pouvoirs ainsi que la séparation formelle de l'église et de l'état. Reste à savoir ce que cela va donner. Les Islandais ont beau se soulever, ce qui est d'autant plus légitime qu'aucune effusion de sang n'est à déplorer, ce n'est pas pour autant qu'ils vivent dans une dimension parallèle. Tôt ou tard, ils devront rendre des comptes à la communauté internationale. Quelle sera la réaction de cette dernière, c'est un mystère.

 

Car, comme on l'a déjà dit, jusqu'à présent tout le monde reste bien silencieux vis-à-vis de cet événement pourtant peu banal. Signe peut-être que, toute irréelle et improbable qu'elle soit, cette révolution inquiète. Sans aucun doute, certains dirigeants politiques de chez nous craignent que les Islandais fassent des émules par ici. Impossible? C'est ce que disaient à une époque les partisans de l'Ancien Régime.

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11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 22:41

 

Il est des moments dans l'histoire ou la conjonction d'évènements aussi inattendus qu'inexplicables donne des résultats surprenants, comme par exemple le soudain réveil d'un peuple qui jusqu'alors n'existait même pas et se lance brusquement à la conquête de l'ensemble du monde connu. Bien souvent, l'un des catalyseurs de ces évènements est le destin singulier d'un homme, qui de par sa volonté, sa force de caractère, son opiniâtreté, son sens de l'organisation et son charisme parvient à se distinguer des autres et à laisser une trace dans l'histoire. Gengis Khan est de ceux-là, et l'on peut même dire qu'il est l'un des plus grands que le monde ait connu, sinon le plus grand.

 

D'ordinaire en Europe où l'histoire de l'Asie est particulièrement méconnue et où l'on a tendance à ne considérer que ce qui nous est proche et auquel, d'une certaine manière, on s'identifie, l'on classe au panthéon des hommes de ce monde un Alexandre, ou un Napoléon pour peu que l'on soit atteint du chauvinisme français. Cependant, force est de constater qu'à la différence de ces hommes certes illustres, Gengis est parti de rien, là où Alexandre héritait du travail d'organisation remarquable de son père, et Napoléon d'un sentiment nationaliste français très fort qui ne pouvait, du moins pour un temps et s'il était correctement exploité (ce qui est à remettre au crédit de Bonaparte), que le mener à la victoire. Gengis a passé une bonne partie de sa vie a forger un peuple à partir d'un ensemble de tribus hétéroclites qui n'avaient que peu de points communs entre elles. Et il est parvenu à en faire une nation, alors qu'en Europe il faudra attendre le XVIIIème siècle et le travail d'une multitude de penseurs pour en arriver au même résultat. On se doit également de noter le génie d'un homme qui, analphabète et totalement illettré et ignorant, sans aucune éducation, a très vite compris l'importance de l'écriture et son intérêt pour la construction d'un empire. Enfin, on peut également mentionner le fait que, toujours contrairement à Alexandre ou Napoléon dont les empires n'ont été qu'éphémères, Gengis à réussi à mettre sur les rails les fondements d'une construction qui allait perdurer pendant 150 ans en englobant une multitude de peuples aux us et coutumes différents, et même pour certaines parties se prolonger jusqu'au début du XXème siècle.

 

On ne peut cependant aborder la vie de Gengis en elle-même sans brosser un tableau même partiel de ce qu'était la Mongolie au XIIème siècle. Ce territoire que nous appelons aujourd'hui Mongolie, mais qui à l'époque n'était ni uni ni dominé par les Mongols, se présente sous la forme d'un vaste plateau aride, parsemée toutefois par des steppes herbeuses couvrant 20% de son sol, le tout étant lézardé par deux chaines montagneuses, dont l'Altaïe qui a donné son nom au groupe linguistique altaïque regroupant notamment le Mongol et le Turc. L'ensemble est soumis aux plus fortes variations de température connues dans le monde: il n'est pas rare d'avoir -40° en hiver, et +40 en été, ce qui donne une amplitude thermique considérable rendant la vie très dure. De multiples tribus nomades vivent là, tribus qui pratiquent encore essentiellement la chasse, même si on trouve de très vastes troupeaux de chevaux ou de moutons. Culturellement, ces peuplades sont encore très archaïques, et rares sont celles qui disposent d'une écriture. Leurs rapports sont souvent tendus, et il va de soit que la steppe va à celle qui parvient le mieux à la défendre. Il est à noter que les puissants empires chinois se servaient des divisions existants entre ces tribus à leur avantage: en les manipulant à tour de rôle, ils parvenaient en effet à les affaiblir, et tant que les nomades se tapaient dessus entre eux, ils ne songeaient guère à piller la Chine.

 

Parmi ces nomades se trouvaient les Mongols, récemment débarqués de Mandchourie, et qui figuraient parmi les créatures les plus grossières et les plus rustres de leur temps. Malgré cela, ils avaient tenté de se fédérer une première fois sous la directement de Qabul, entre 1139 et 1147. A cette époque, les Chinois réussirent à monter une expédition guerrière contre eux, laquelle fut victorieuse. Qabul tué, ses 6 fils se déchirèrent le modeste empire que leur père leur avait légué. Bien vite, le semblant d'union mongole vola en éclats et les divers clans reprirent leurs luttes ancestrales. A ce moment, leurs croyances sont ancrées dans le chamanisme. Tous, hommes, animaux et plantes, sont sur un même pieds d'égalité, sous la domination bienveillante de Tengri, le ciel. Les différents clans, et à une autre échelle les différentes espèces entretiennent entre elles des relations de force, et partir à la chasse au gibier se fait de la même manière que l'on part en guerre. Ainsi, on verra sous Gengis des chasses rassemblant jusqu'à 30 000 guerriers, et où une discipline martiale est de mise.

 

Ceci est important. Ça signifie en effet que les hommes sont tous égaux entre eux de naissance ce qui les fédère au sein d'un clan, et que seuls leurs actes peuvent les distinguer et éventuellement élever l'un d'entre eux au-dessus des autres. C'est sous ce leitmotiv d'égalité que seront plus tard entreprises les grandes conquêtes du reste du monde, et ces principes seront couchés sur papier pour constituer le Yassaq, la loi mongole. Nous y reviendrons.

 

Pour résumer le contexte, nous avons donc un pays particulièrement aride et hostile, peuplé par une série de peuples nomades de diverses origines dont les Mongols, lesquels sont divisés en de multiples clans soumis aux manipulations de puissants empires sédentaires. Ces clans tissent entre eux divers liens selon les circonstances. C'est dans ces conditions que naît en 1155 (certaines sources parlent de 1165 voire 1167, mais JP Roux retient 1155) Temudjin, fils de Yesugei, le chef de'un des clan, descendant de Qabul. Il n'a encore que 9 ans lorsque son père décide de le fiancer à Bortje, fille du chef d'un autre clan avec lequel il noue une solide amitié, les Qonggirat. Peu de temps après cependant, Yesugei meurt assassiné de la main des Merkits (qui passeront à la postérité sous le nom de Tatar), sa veuve et ses enfants (au nombre de 7, dont Temudjin et deux enfants issus d'une concubine) étant alors abandonnés par leur clan qui rejoignit les Taïtchi'out. Durant des années, ils vont devoir survivre et nul doute que c'est en partie cela qui a inspiré en Temudjin, futur Gengis, un aussi solide caractère. Dans ces années de disette, il fut mené à tuer son propre frère qui volait pour lui seul le peu de nourriture qu'ils parvenaient à trouver. C'est durant son enfance qu'il fit connaissance avec Djamuqa, qui était durant ces années-là son meilleur ami.

 

Quelques années plus tard, les Merkits décidèrent de terminer le travail en se saisissant de Temudjin, de peur que, devenu adulte, celui-ci ne tente de venger son père. Bien vite, ils parvinrent à le capturer, mais Gengis s'échappa grâce à l'aide d'un certain Sorquan-chira avec lequel il allait mener une solide amitié. Il est notable de constater qu'à ce point déjà, sa fougue et son charisme indéniable lui permettait d'impressionner diverses personnes, qu'il ne laissait pas indifférent. Et bien qu'étant à la base un barbare inculte, il allait montrer tout au long de sa vie des qualités comme le courage, la loyauté et l'honnêteté. Qualités qu'il allait non seulement développer chez lui, mais récompenser chez les autres lorsqu'il aura atteint une position de force. Mais à ce moment, il était encore loin de pouvoir se reposer sur une quelconque position, étant donné qu'après avoir retrouvé sa mère et sa fratrie, ceux-ci et lui-même étaient toujours aussi pauvres et démunis, proies facile au milieu de la steppe. Et justement, il n'allait pas s'écouler longtemps avant qu'une autre épreuve les frappe. En effet, tous leurs chevaux à l'exception d'un furent un jour volés. Temudjin, en sa qualité d'ainé, pris alors le dernier pour tenter de reprendre son bien. En chemin, il fit connaissance avec Bo'ortchou, fils du chef d'un autre clan. A son tour captivé par la prestance du futur Khan, celui-ci se montra subjugué au point qu'il l'aida à récupérer ses chevaux sans rien attendre en retour, puis le présenta à son père, lequel scella leur amitié. Bo'ortchou allait se révéler comme étant l'un des plus grands généraux mongols. Là encore, les auteurs sont unanimes. Tout au long de la vie de Temudjin, ce qui marque, ce sont les amitiés indéfectibles qu'il parvint à nouer, et la forte impression qu'il fit auprès de personnages bien plus importants que lui, des personnages toujours plus influents auprès des clans mongols, et bientôt étrangers. Il est également remarquable qu'il ne fut en aucun cas trahi par l'un de ses amis, ce qui prouve leur loyauté à son égard. A l'inverse, lui-même s'est toujours montré constant et franc, n'ayant jamais manipulé qui que ce soit.

 

Fort de ces premiers succès, Temudjin s'est alors rappelé au souvenir de celui qui lors de ses 9 ans avait été promis à être son beau père. L'accueil qui lui réservait celui-ci fut à la hauteur des espérances de Temudjin, et son mariage fut aussitôt célébré. Bortje allait pour Temudjin être un atout précieux. Femme à la force de caractère impressionnante, elle allait se montrer capable de l'épauler dans ses épreuves mais également de le conseiller de manière avisée lors de ses périodes de doutes, voire de le tempérer dans ses excès. Il est bon ici de mentionner le fait que bien souvent des femmes mongoles allaient jouer un rôle prépondérant, soit en assurant elles-mêmes la régence, soit en se montrant influent auprès de leurs époux ou leurs fils. Temudjin, plus puissant guerrier de l'histoire, aura ainsi tout au long de sa vie des comptes à rendre à son épouse et à sa mère... De son mariage naitraient 4 héritiers.

 

La prochaine étape, pour Temudjin, allait être la reconquête de son propre clan, ainsi que le rappel d'une vieille alliance qui existait naguère entre son père et et les Kereïts, un autre peuple distinct des mongols. A l'époque, Yesugei avait réussit à remettre le roi des Kereïts, Toghril, sur son trône dont il avait été momentanément chassé. Muni de son cadeau de noce offert par son beau père, une magnifique pelisse de zibeline noire, Temudjin se présenta auprès de Toghril, lequel accepta immédiatement de renouer les anciennes alliances. Une solide amitié allait après cela lier les deux hommes. Pour Temudjin, qui patiemment mettait sur pieds un solide réseau d'alliances, notamment avec Djamuqa, son ami d'enfance devenu entre-temps chef de son propre clan, les temps de misère semblaient définitivement passés. Peu de temps après, les Merkits revinrent sur le devant de la scène en enlevant Bortje.

 

C'est tout naturellement contre eux que Temudjin allait monter sa première campagne militaire, avec l'appui de ses amis, Toghril et Djamuqa en tête. Que l'on ne s'y trompe pas: chacune de ces tribus représentaient une force non négligeable de plusieurs milliers de guerriers. Leur union permis de libérer Bortje, qui accoucha quelques jours plus tard du premier fils de Temudjin, Djotchï. Bien que sa paternité laissera toujours un doute, Temudjin le considéra toujours comme son fils ainé. Sa première victoire à la tête d'une coalition de clans allaient en appeler d'autres, et ce d'autant plus que sa renommé grandissait de plus en plus. En particulier et après avoir été séparé pendant des années, Djamuqa et Temudjin semblaient être redevenus les meilleurs amis du monde, liés de surcroît par leur sang échangé en signe d'amitié éternelle et indivisible. Ils étaient deux, et c'est autour de leur dyarchie que se fédéraient de plus en plus de clans, reconnaissant en eux de puissants leaders. Cette situation ne pouvait durer, d'autant plus que commençait à naître entre eux une sorte de concurrence. Un jour, alors qu'il fallut prendre une décision toute simple – quel était l'endroit qui convenait le mieux pour disposer le campement de la horde – et que Djamuqa tenta d'imposer son choix, ce fut Bortje qui éleva la voix, en affirmant que Djamuqa était inconstant. La rupture était inévitable, et les deux chefs se séparèrent là, leurs hommes se répartissant entre eux deux.

 

Peu après, on assista à une sorte de course entre les deux hommes, chacun tentant de se faire reconnaître par une assemblée de chamans comme étant le Khan, autrement dit le représentant de Tengri sur Terre, désigné par ce dernier pour régner sur les hommes, le seul titre sous lequel l'ensemble des clans Mongols accepteraient de se réunir. Les deux parvenant à leur fin, une lutte féroce allait s'engager entre eux. Au cours des années qui suivirent, de nombreux partisans de Djamuqa allaient l'abandonner pour rejoindre les rangs de Temudjin, celui-ci s'avérant bien plus juste avec ses hommes dont il récompensait la loyauté, contrairement à Djamuqa qui se comportait en chef cruel. Pratiquement tous les clans mongols, ainsi que d'autres peuplades voisines allaient se rallier à l'un ou l'autre des deux chefs. Parmi ceux qui rejoignirent Temudjin, ceux qui allaient avoir le plus d'influence étaient sans conteste les Öngüts, des turcophones, comme les Mongols, mais qui contrairement à ceux-ci étaient chrétiens. Ainsi donc, et contrairement à ce que l'on pourrait croire, les premiers monothéistes à entrer en contact avec des Mongols furent des chrétiens d'Orient. Leur importance était considérable: contrairement aux Mongols, ils étaient lettrés, et surtout ils ont permis à Temudjin non seulement de prendre conscience de l'écriture, mais également de l'intérêt d'une administration. Un des grands apports que Temudjin en tira fut la découverte d'un sceau royal, permettant d'identifier ses missives. Nous y reviendrons, mais l'une des forces de l'empire mongol dans les décennies à venir allait être ses moyens de communications mobilisant des forces militaires conséquentes, avec la mise au point d'un système de poste d'autant plus remarquable que, rappelons-le, les Mongols étaient à l'origine des barbares incultes. Au cours d'une de ces multiples péripétie, Temudjin vit son cheval blessé par un guerrier d'une tribu ennemie. Une fois celle-ci vaincue, il demanda qui avait tiré la flèche en cause. Un prisonnier sorti du rang et avoua sa faute. Devant une telle franchise, Temudjin récompensa l'homme en en faisant l'un de ses plus fidèle compagnons. Son nom allait passer à la postérité comme était l'un des plus grands généraux mongols: il s'agissait de Djebe.

 

Après une longue lutte (entre 1198 et 1205) marquée par des périodes de haut et de bas et des rapports de force constamment inversés, Djamuqa, finalement vaincu, allait être trahi par certains des derniers hommes qui lui restaient et qui le livrèrent à Temudjin. Celui-ci, détestant la déloyauté par dessus-tout, les fit immédiatement exécuter, ainsi que son ancien ami à la demande de ce dernier. A la suite de sa victoire, Temudjin restait le seul maître d'une vaste fédération de divers peuples, mongols ou étrangers. Pour consacrer cet état de fait, un nouveau quriltaï (assemblée de tous les personnages influents des clans mongols ainsi que des principaux chamans) fut convoqué, quriltaï qui décrétât que Temudjin recevait le titre de grand Khan, Khan universel ou océanique selon les traductions, ce qui en mongol donne Tchingis Qaghan, devenu en français Gengis Khan.

 

Nous sommes en 1206. Pour la première fois, l'ensemble des clans mongols et des peuples assimilés se trouvent unis sous un seul et même chef. Pour la première fois, tous ces gens aux us et coutumes semblables, mais aux rivalités souvent mortelles, forment un seul et même peuple. Pour la première fois, ce peuple est conscient d'exister et s'en remet à un guide. Une nation était née, qui allait pouvoir se répandre sur le monde. La raison des invasions mongoles qui allaient suivre est simple: les Mongols, et Temudjin le premier, étaient convaincus qu'il leur incombait de dominer l'ensemble des autres peuples de la Terre pour les unir sous une seule bannière et les faire vivre en harmonie en paix les uns avec les autres. Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce qui allait passer à la postérité en Europe comme figurant parmi les plus grands carnages de l'histoire a été entrepris dans le seul but de mettre tous les hommes sur un pieds d'égalité.

 

Il aura fallut 50 ans à Gengis Khan pour s'élever et créer de toute pièce le peuple mongol. Les choses, jusqu'alors particulièrement lentes tant la tâche était ardue, allaient s'accélérer. Le monde était devant lui, et pourtant le plus dur était fait. Dans la vingtaine d'années qui suivirent, il réussit le tour de force de mettre à genou les deux plus grandes puissances de l'époque, la Chine (bien que divisée alors principalement entre les Xia et les Jin) et le Khwarezm (la Perse), tout en assurant à ses fils la possibilité de poursuivre son œuvre.

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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 22:28

 

Dans la continuité de mon précédant article sur l'empire mongol, je vais aujourd'hui aborder les conséquences de l'empire sur l'Extrême-Orient. Je le dis tout de suite, je n'ai malheureusement que peu de connaissances sur l'histoire de l'Asie, aussi je dois me limiter sur ce sujet à ce qu'en disent Grousset et Jean-Paul Roux, ne pouvait pas moi-même compléter avec mes connaissances, celles-ci n'étant que trop partielles. Je ne vais donc qu'aborder certaines pistes concernant la Chine et le Japon. A noter que l'influence mongole a également été durable sur la péninsule coréenne, le Viet-Nam ou même l'Indonésie, celle-ci ayant échappé de peu à une invasion.

 

La Chine a été particulièrement touchée par les invasions en elles-mêmes, les diverses campagnes mongoles la concernant s'étant étalées sur un demi siècle. Sa population a été terriblement éprouvée, les Mongols ayant été directement responsables de la mort de plus de 30 millions d'âmes, sur une population estimée à au moins 120 millions d'habitants, ce qui est considérable. A noter par ailleurs que le pays, lors des invasions, était loin d'être unis, au moins 4 Empires se partageant le territoire. Et justement, l'une des conséquence majeure de la conquête de l'ensemble par les Mongols, est que pour la première fois la Chine se trouvait unie et indivisible, ne formant qu'une sous la dynastie des Yuan fondée par Kubilai qui a mené à bien cette union. A cette période, l'empire mongol était déjà divisé en 4, mais théoriquement les trois autres parties étaient vassales de Kubilai, lequel était le descendant légitime de Gengis Khan. Cependant, cette relation n'était que purement théorique. Néanmois, les dynasties suivantes, notamment Ming et Mandchoue, se sont basées sur ce principe pour revendiquer divers territoires, quand ils ne les ont pas purement et simplement annexé. A noter par ailleurs que ces dynasties ne furent pas les seules: si les Chinois revendiquent aujourd'hui la souveraineté sur le Thibet, c'est parce que sous la domination mongole celui-ci avait effectivement été soumis au pouvoir de Kubilai...

 

Un autre changement important et qui perdure encore aujourd'hui, est le déplacement du centre de gravité politique de la Chine depuis des régions méridionales et/ou centrales pour se fixer dans le nord, à Pékin, laquelle demeure encore à ce jour la capitale de l'empire du milieux.

 

Enfin, un dernier point mais non le moindre concerne l'évolution culturelle et religieuse du pays. Avec sa soumission à un peuple d'origine nomade, c'est une part de la culture de ce dernier que la Chine s'est appropriée, en partie l'art des tapis qui jusqu'alors était réservé aux peuples des steppes et au Moyen-Orient.

Au niveau religieux, on peut également noter que le christianisme et le bouddhisme, qui avaient atteint leur apogée en Chine grâce à la tolérance religieuse prodigieuse des Mongols, allaient pratiquement disparaître en même temps qu'eux, au profit du confucianisme. Après cela, la Chine allait se replier sur elle-même et jamais plus ces religions ne parvinrent à percer de nouveau.

 

L'autre grand pays asiatique dont je vais parler est bien entendu le Japon, durablement influencé lui aussi. Cependant, il est à noter qu'il ne fut jamais conquis par les Mongols, ceux-ci se contentant de tenter de l'envahir à deux reprises, sans succès, en 1274 et en 1281 (cette dernière tentative étant d'une échelle bien plus conséquente). Lors de la première tentative, les Mongols parvinrent à prendre pieds sur le territoire japonais et à repousser les défenseurs venus à leur rencontre, mais des difficultés d'approvisionnement ainsi qu'une tempête ravageant leur flotte d'invasion les contraignirent à battre en retraite. Plus tard, lors de leur second essaie, les envahisseurs n'atteignirent même pas les îles, leurs navires étant cette fois détruits par un typhon lors du voyage. Le nom « vent divin » fut donné à cette tempête.

 

Malgré cela, la société japonaise dans son ensemble fut ébranlée. Il faut bien se rendre compte que c'est la seule fois de l'ensemble de son histoire que le Japon fut envahi, même partiellement, par une force étrangère. Jusqu'alors, les divers chefs de guerre japonais ne se préoccupaient pas beaucoup du monde externe, leur statut de peuple insulaire les protégeant de ce même monde qu'ils méconnaissaient et craignaient tout à la fois. Cette belle illusion de sécurité vola en éclat, et ce d'autant plus que les tactiques guerrières traditionnelles des Samouraïs avaient montré leurs limites face aux envahisseurs mongols, victorieux sur le champ de bataille. L'influence grandissante des guerriers, qui seuls pouvaient à l'avenir protéger le territoire nationale, allait leur permettre de renverser le régime de Kamakura et d'avoir leur mot à dire dans la politique future du pays par rapport à l'empereur qui jusque là était le seul maître.

 

Deux autres faits sont à noter: d'une part le développement au sein du peuple japonais du sentiment d'être bénis des dieux, presque élu, et qui allait les mener à se croire supérieur aux autres (croyance largement entretenue jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale), et d'autre part la prise de conscience qu'il existait un monde extérieur avec lequel il fallait compter. A partir de là, une politique de reconnaissance de ce même monde allait être menée, ce qui allait au final conduire vers les diverses tentatives d'invasion de la Corée.

 

Un dernier point: le nom du typhon ayant sauvé le Japon de l'invasion de 1281 est « vent divin » en français. En japonais, il se traduit par kamikaze, et est passé aujourd'hui à la postérité pour désigner des guerriers fanatiques se précipitant vers une mort certaines en tentant au passage d'emporter autant d'ennemis que possible. Ce n'est pas un hasard: dans les deux cas, les kamikazes (qu'il s'agisse du vent ou des pilotes) servirent à défendre le sol sacré contre un péril mortel représentés par de méprisables étrangers. Du moins, si l'on en croit la propagande nippone.

 

Encore une fois, les conséquences évoquées dans cet articles sont très partielles, mais je ne peux malheureusement pas en dire beaucoup plus...

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8 janvier 2011 6 08 /01 /janvier /2011 15:08

 

Je quitte un peu les domaines habituels de ce blog, à savoir la politique, la critique de wikipédia, l'islam ou l'actualité pour aborder un sujet historique qui m'a toujours captivé, à savoir l'Empire Mongol. Je compte en effet rédiger une série d'articles présentant les conquêtes gengiskhanides et leur influence non négligeable sur le monde. Je ne sais pas si ce sera très suivi, étant donné que je n'ai pas vraiment le temps de m'y consacrer à fond, mais étant donné la méconnaissance de ce sujet dans notre culture occidentale, je pense qu'il y a là un vide à remplir, en orientant éventuellement vers diverses pistes de recherches pour approfondir.

 

Je vais débuter aujourd'hui avec un petit article présentant certaines conséquences non négligeables des invasions mongoles -bien que je n'aime pas ce dernier terme que je trouve réducteur et inutilement péjoratif- sur l'évolution postérieure du monde occidental. Pourquoi débuter par là me direz-vous? Et bien tout simplement pour souligner l'importance de ce phénomène unique dans l'histoire – à savoir une horde nomade qui s'est mis en tête d'unir tous les peuples de la Terre pour les mettre à égalité - et justifier ainsi son étude. Aujourd'hui, alors que l'on analyse à foison au collège ou au lycée le Moyen-Age en adoptant un point de vue strictement franco-centré, on fait quasi systématiquement l'impasse sur les évènements extérieurs dont dépend justement cette histoire européenne.

 

Et cela se ressent dans la littérature francophone consacrée à cette période, qui demeure très pauvre concernant Gengis Khan et son empire. Finalement, seuls quelques auteurs ressortent et font figure de référence, et ce alors qu'ils ne datent pas d'hier. Le premier est Renée Grousset, orientaliste français de la première moitié du siècle dernier, qui est surtout connu pour sa mémorable « Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem » en trois tomes, qui demeure encore inégalée aujourd'hui. Concernant les Mongols, il a publié notamment « L'empire des steppes, Attila, Gengis-Khan, Tamerlan », « Le conquérant du monde », remarquable biographie de Gengis Khan et « L'empire mongol ». Le deuxième auteur notable est Jean-Paul Roux, récemment décédé, et dont la spécialité était l'ensemble du monde Turcophone (là où Grousset s'est concentré en plus des croisades sur la Chine). Jean-Paul Roux a lui publié une « Histoire de l'empire mongol » qui est aujourd'hui la référence en la matière, ainsi que « La religion des Turcs et des Mongols ». A noter qu'il a également publié un ouvrage sur Tamerlan, autre grand conquérant qui est souvent méconnu de part chez nous.

 

Et c'est à peu près tout. Même sur internet, on constate une pauvreté remarquable sur le sujet, et ce alors que diverses œuvres de Grousset, aujourd'hui libres de droit, ont été numérisées par l'université du Québec. Cette méconnaissance est à l'origine de bien des mythes, et nombreux sont ceux qui, en Europe du moins, voient aujourd'hui les Mongols tels qu'ils étaient décrits par leurs contemporains occidentaux emprunts de catholicisme: à savoir des barbares démons tout droit venus des enfers. Tout ce que l'on en retient aujourd'hui en Occident, ce sont les effroyables massacres dont ils furent les auteurs, en passant sous silence le rapprochement unique et inédit pour l'époque entre Orient et Occident que leurs conquêtes ont permis, et qui a perduré pendant plus de 150 ans. C'est pourquoi je compte en parler maintenant, en rentrant dans le vif du sujet. Bien entendu, ce sujet est vaste, et je vais donc me limiter à l'influence mongole sur l'Europe occidentale, et encore dans les grandes lignes. Pour poursuivre, je ne peux que conseiller de se diriger vers les ouvrages que j'ai déjà mentionnés. Pour ma part, mon préféré a été « L'histoire de l'empire mongol » de JP Roux, qui combine à la fois (dans une certaine mesure) abordabilité et exhaustivité, ce qui est assez rare.

 

Les conséquences de l'essor des Mongols dans l'histoire européenne sont bien plus importantes que ce que l'on suspecte apriori. Et ce alors qu'assez paradoxalement l'Europe de l'ouest est l'une des rares régions du monde connu à ce moment à avoir échappé aux invasions. L'empire à son apogée s'étendait en effet depuis la Corée jusqu'à la Hongrie, couvrant un territoire correspondant à une fois et demie la superficie de l'ex-URSS, soit le plus grand empire de tous les temps. Parti vers le début du XIIIème siècle de la Mongolie, terre pauvre et aride s'il en est, à la tête de quelques dizaines de milliers de cavaliers, Gengis Khan et ses descendants ont réussi à s'étendre jusqu'en 1260, date de la division de l'empire en 4 parties qui allaient à partir de là évoluer plus ou moins indépendamment les unes par rapport aux autres, en entretenant cependant des relations étroites. Un point important est que pour la première fois, des voyageurs pouvaient assez rapidement pour l'époque voyager depuis l'Europe jusqu'à la Chine en relative sécurité, ce qui permis des échanges commerciaux et diplomatiques de la plus hautes importance. Lors de l'effondrement de l'empire (bien qu'il survécu en Crimée jusqu'en 1924), ces routes commerciales allaient être coupées, et il faudrait attendre jusqu'à l'avènement des empires coloniaux modernes pour pouvoir les rétablir avec une efficacité comparable.

 

On ne peut bien entendu faire l'impasse sur les conséquences directes, découlant des destructions liées aux invasions qui frappèrent l'Europe de l'est, Pologne et Hongrie en tête, et qui causèrent l'affaiblissement de ces territoires. Il est certain que les croisades baltes, avec l'essor de la Lituanie d'une part, et des chevaliers teutoniques de l'autre, furent grandement facilitées par ces catastrophes. Cependant, ce n'est pas là le plus intéressant.

 

L'influence mongole a été capitale également dans l'histoire des croisades, permettant sans nul doute de prolonger l'existence des royaumes croisés en Terre Sainte. En effet, les musulmans de Syrie étaient brusquement pris à revers par ce que les Chrétiens croyaient à l'origine être les « troupes du prêtres Jean » venues d'Orient. Forcément, dans l'esprit de l'époque, tout ce qui n'était pas musulman paraissait être chrétiens, surtout si les guerriers mongoles surgissaient providentiellement alors que les royaumes croisés étaient à deux doigts d'être écrasés par la supériorité des musulmans. Saint-Louis, voyant l'aubaine, a immédiatement entretenu des échanges diplomatiques remarquables avec les dirigeants mongols, développant à cette occasion des relations plus que courtoises. Le pape lui-même en a profité pour tenter de convertir à la religion chrétienne les empereurs mongols. A noter d'ailleurs que ceux-ci ont toujours laissé sous-entendre que leur baptême était une option envisageable, même si au final cela ne sera jamais suivi d'effet. Enfin, ce n'est qu'après avoir vaincu les Mongols à Aïn Djalout (par ailleurs la seule défaite militaire des Mongols suite à une trahison des croisés qui avaient laissé passer les musulmans sur leur territoire) que les Mamelouks purent retourner toute leur puissance sur les croisés, menant à leur expulsion définitive de la Terre Sainte 30 ans plus tard.

 

A noter que l'épidémie de peste noire qui ravagea l'Europe milieu du XIVème siècle est à rapprocher directement des invasions mongoles. En effet, l'épidémie venait d'Asie, et a été transmise à des Européens lors du siège par les Mongols du comptoir génois de Caffa, en Crimée. C'est alors qu'après avoir évacué la ville, des Génois la ramenèrent dans nos contrés. Inutile de s'étendre longuement là-dessus, car on sait à quel point les conséquences économiques, culturelles, religieuses et sociales allaient être importante et marquer durablement les esprits.

 

Mais le plus important, au delà des croisades et du reste, est la prise de conscience européenne de ce qu'était alors le monde. Jusque là, la vision des chefs d'état de France et d'Angleterre, pour ne citer qu'eux, étaient limitée à ce qu'ils avaient sous leur nez, autrement dit à pas grand chose. Pour la première fois, le fait de pouvoir envoyer ambassadeurs, marchands et missionnaires à travers pratiquement toute l'Eurasie leur a montré à quel point celle-ci était vaste, riche et culturellement très variée. Alors que l'Europe Occidentale se repliait sur elle-même, on pourrait presque parler de médiocrité culturelle (malgré la littérature courtoise par exemple) comparé entre autres à la richesse du monde musulman, voilà que tout d'un coup, elle avait l'opportunité de s'ouvrir sur le monde. Et c'est ainsi que par exemple, des envoyés du pape purent nouer des liens avec des communautés chrétiennes reculées (jusqu'au XIVème siècle, le christianisme était majoritaire sur l'ensemble du Moyen Orient, devant l'islam) jusqu'en Chine. C'est ainsi également que Marco Polo et d'autres purent ramener d'Orient des richesses insoupçonnées. Mais plus que cela, c'est presque une vision fantasmée de l'Orient qui allait se développer chez nous, au travers des récits fabuleux de voyageurs décrivant un monde de légende. Puis, brusquement, cette porte qui s'était ouverte presque du jour au lendemain allait se refermer tout aussi vite vers 1350 lorsque l'Empire s'effondra. A la même époque, l'épidémie de peste ravagea le continent, et l'un dans l'autre celui-ci se retrouvait plongé dans un marasme inédit. Alors, en proie à des rêves inassouvis, nombreux étaient ceux qui allaient tout tenter pour pouvoir à nouveau bâtir des ponts entre ces deux mondes. La Castille allait envoyer des ambassadeurs à Tamerlan, tandis que Jean de Béthancourt atteignait les Comores. Mais rien de tout ça n'allait rouvrir la route de la soie, des épices et des pierres précieuses. La suite, on la connait: c'est à la lecture de Marco Polo qu'un certain Colomb allait se lancer à la recherche d'une route des Indes en allant non plus vers l'Est, mais vers l'Ouest.

 

Bien entendu, cela se serait de toute façon passé un jour. Mais c'est la conjugaison de découvertes venues d'Orient (comme la boussole), du développement d'un attrait pour celui-ci, de l'expansion d'idées de richesses culturelles, puis de la perte des communications que l'on avait préalablement développées qui allaient pousser les Européens à partir à la redécouverte du monde. Et tout cela, on le doit à l'empire mongol et aux formidables voies ouvertes par ce que les historiens n'hésitent pas à qualifier de Pax Mongolorum, laquelle fut tout aussi influente si pas plus, bien que méconnue, que ne le fut la Pax Romana. Et ce à l'échelle du monde, contrairement à l'Empire Romain.

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21 novembre 2010 7 21 /11 /novembre /2010 21:19

 

A l'heure où les pays membres de l'OTAN viennent de se mettre d'accord sur un avant projet de retrait de l'Afghanistan, il n'est peut-être pas superflu de revenir sur l'histoire moderne pour le moins complexe de ce pays, ne serait-ce que pour commencer à comprendre une part des enjeux le concernant. L'Afghanistan, pays martyr s'il en est, est aujourd'hui loin d'être en paix. Paix qu'il n'a d'ailleurs plus connue depuis le début des années 70. Retour en arrière sur près de 40 années de guerre.

 

Ce résumé n'est en rien exhaustif. La situation est complexe, et il est clair que présenter en un article l'histoire d'un pays mène à de nombreuses simplifications, découlant d'une part d'un soucis de concision, et d'autre part par la nécessité de choisir des bornes, soit des évènements servant de limite, de cadre. Que le lecteur « spécialiste » de l'Afghanistan me pardonne donc les approximations dont je dois faire preuve ici.

 

Les profonds changement qui ont fini par mener à la situation actuelle ont débuté sous le règne de Mohammed Zaher Chah, dernier roi d'Afghanistan, et qui a occupé le trône de 1933 à 1973. Ayant accédé au trône lors de la mort de son père à l'âge d'à peine 19 ans, et ayant dû faire face à une modernisation des mœurs et des aspirations populaires, il est inutile de signaler que cet homme n'a pas eu facile. Et malgré tout, on ne peut pas dire qu'il n'a pas essayé. Après avoir observé une neutralité lors de la Seconde Guerre, il a réussi à faire entrer l'Afghanistan à l'ONU en 1946. C'est ensuite que les premiers actes du drame se sont joués, pendant la guerre froide, lorsque le pays est devenu comme bien d'autres l'enjeu d'une lutte entre les Etats-Unis et l'URSS. L'un comme l'autre a tenté de pénétrer le pays économiquement pour le faire basculer dans son camp. Sans succès, entre autre grâce à l'habileté du Chah à préserver sa neutralité. Parallèlement, de gros progrès ont été faits dans la démocratisation et la modernisation du pays, en faisant passer la monarchie au statu de monarchie parlementaire, en améliorant la scolarisation et d'une manière générale les libertés d'expression. Malheureusement, le revers de la médaille a été que cette nouvelle liberté a permis à divers groupes islamistes ainsi qu'à des communistes de prendre de l'importance, et ce dans un contexte de tension internationales et de manipulations en tout genre de la part des deux blocs de la guerre froide. Autre problème: la nouvelle constitution, datant de 1964, interdisait dans un soucis de démocratisation l'exercice de toute haute fonction par un membre de la famille royale, ce qui devait mener au renvoi de Mohammed Daoud Khan, cousin du Chah, de son poste de premier ministre. Ce qui devait arriver arriva: l'instabilité d'un pays en pleine transition démocratique liée à des rancœurs de certains anciens hauts personnages allait mener à un premier coup d'état, mené justement par Mohammed Daoud à la faveur d'un voyage à l'étranger du Chah. Soutenu par les communistes téléguidés depuis Moscou, Mohammed Daoud allait pouvoir s'emparer du pays sans coup férir, et ce d'autant plus que le Chah en apprenant la nouvelle du coup d'état a décidé d'abdiquer et de rester en exil, dans le but d'éviter une lutte fratricide. Depuis son exil, le Chah est cependant demeuré en contact avec divers groupuscules afghans, et a participé à l'opposition aux Talibans avant leur chute. Il est à noter que le Chah n'est rentré de son exil qu'en 2002, peu de temps après avoir été déclaré « père de la nation », titre amplement mérité. Il est décédé courant de l'été 2007.

 

Mais revenons à Mohammed Daoud. Après avoir proclamé la république, en réalité un semblant de démocratie parfaitement illégitime et inféodée aux communistes, il a bien entendu dû affronter une opposition de plus en plus importante, car se considérant à juste titre non représentée par le pouvoir en place. C'est dans ce contexte que l'on a vu l'émergence de groupes islamistes de plus en plus puissants, bénéficiant dans une certaine mesure du soutien populaire grâce à l'exaspération causée par le régime. Daoud, pour préserver son fragile pouvoir, a tenté de jouer sur tous les tableaux en même temps: d'une part, en accordant des postes importants à des communistes, d'autre part en opérant un rapprochement au niveau international avec d'autres pays à majorité musulmane. Il est clair qu'en tentant de mener double-jeu il n'allait réussir qu'à se mettre tout le monde à dos... Cette situation allait mener à un deuxième coup d'état en 1978, orchestré cette fois-ci par l'aile dure des communistes afghans qui se sentaient dupés par Daoud et agissant comme de coutume sous les ordres directs de Moscou. Guère plus légitime que le précédant, et ne masquant aucunement son inféodation par rapport à une puissance étrangère, ce pouvoir-ci n'allait évidemment pas faire l'unanimité, loin s'en faut. De plus, comme tout gouvernement communiste qui se respecte, celui-ci allait très vite s'engager dans une féroce répression à l'encontre de tout ce qui est considéré comme contre-révolutionnaire, religieux inclus. Les troubles causés par des islamistes sous le règne de Daoud allaient cette fois éclater en une véritable révolution. Si l'on ajoute à cela des luttes d'influences entre différentes fractions communistes, on comprend aisément à quel point le pays avait à ce moment-là sombré dans le chaos. La machine était lancée, et à cette date l'Afghanistan était perdu.

 

Devant la fragilité du pouvoir communiste de Kaboul qui devait faire face à des dissensions internes auxquelles s'ajoutaient des menaces externes (islamistes notamment, soutenus de plus en plus activement par pas mal de pays limitrophes), Moscou s'est senti obligée d'intervenir en 1979, déclenchant ce qui allait être connu sous le nom de guerre d'Afghanistan, à savoir un conflit long de 10 ans. On sait ce que cela allait donner: le Vietnam russe, avec son cortège d'atrocités. Détenant les villes, mais incapables de se maintenir dans les provinces (montagneuses) du pays, les Russes allaient être obligés d'abandonner la partie, non sans avoir perdu 15 000 de leurs hommes... et tué un million de civils afghans. C'est à cette occasion que les milices islamistes se sont réellement structurées, soutenues de plus en plus par les Etats-Unis, lesquels voyaient là une occasion parfait d'affaiblir leurs adversaires soviétiques. Ce soutien, essentiellement logistique, allait notamment permettre aux islamistes d'abattre les hélicoptères de combats russes, clé de la puissance communiste. C'est également là que l'on allait trouver pour la première fois la trace d'un certain Oussama Ben Laden, chef d'un réseau de recrutement, d'entraînement et de soutien logistique aux milices islamistes, largement financé par l'Amérique. Le gouvernement communiste, une fois les Russes partis, n'allait pas se maintenir très longtemps: face à la pression des divers groupes populaires, il s'effondra définitivement en 1992, laissant place à l'anarchie la plus totale, aucune forme d'union n'existant entre les divers opposants au pouvoir.

 

La lutte allait cette fois se poursuivre exclusivement entre les diverses ethnies afghanes, plus ou moins islamisées et organisées autour de diverses milices. Parmi ces dernières allait rapidement se dégager l'une d'entre elle, à savoir celle des Talibans. Ces hommes, partisans d'un islam « pur », à savoir le plus archaïque qu'il soit possible d'imaginer, étaient engagés dans une véritable guerre sainte. Pour eux, le pouvoir politique, temporel, importait peu: seule comptait l'islamisation totale de tous les aspects de la vie des Afghans. Puissants, et bénéficiant de soutiens aussi bien étrangers qu'internes au pays (auprès de l'ethnie des Pachtounes), les Talibans n'eurent pratiquement aucune peine à s'emparer du pouvoir en 1996. L'archaïsme de leurs pensées et leur totalitarisme, pour ne pas dire leur stupidité chronique, allait faire de l'Afghanistan l'une des pires dictatures de l'histoire, où une simple longueur de barbe jugée inadéquate pouvait mener à la mort. La suite, on la connait: Al Quaida allait précipiter les évènements en attaquant directement les Etats-Unis sur leur sol, ce qui devait mener à la chute au moins temporaire des Talibans.

 

Aujourd'hui, cela fait près de 10 ans que nous sommes engagés dans ce pays. Et la situation est à peine meilleure. A l'instar des soviétiques durant les années 80, la coalition actuelle, si elle maîtrise relativement les villes, n'a pratiquement aucun contrôle sur les campagnes, formant la majeure partie du pays. Certes, le processus démocratique est lancé. Et il suffit de voir que la participation aux élections est supérieure à ce que l'on voit en France pour se convaincre que le pays est en quête de changements, mais un retrait prématuré des forces de l'OTAN risque de remettre tout cela en question. L'ennuie, et le danger, c'est l'extension du conflit au Pakistan voisin; il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une puissance nucléaire, et qu'il n'est jamais bon qu'une instabilité se développe à ce niveau. De plus, les Talibans sont sans doute parmi les seuls tarés au monde qui n'hésiteraient pas à s'en servir s'ils en avaient la possibilité...

 

En résumé, on peut dire que l'Afghanistan est l'exemple-type d'une nation en pleine transition démocratique et moderniste fauchée à l'âge précoce par un complot communiste déstabilisateur, comme tant d'autres pays l'ont été. Résultat des courses: 40 ans après, le pays est toujours ravagé, et les indices suggérant une amélioration imminentes sont plus que rares, et minces.

 

J'ai bien entendu fait l'impasse sur les motivations, notamment économiques, des grandes puissances pour intervenir, me contentant volontairement de la lutte est-ouest pour expliquer les tensions initiales. Il va de soit que ceci n'est qu'un résumé, et que les implications sont bien plus complexes; cependant cela suffit à expliquer de manière succincte les 40 années de guerre.

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11 novembre 2010 4 11 /11 /novembre /2010 22:19

 

Nous avons vu hier les cas avérés et reconnus comme tel de génocides. Cependant, il va de soit que le terme ne se limite pas à ceux-là. D'autres évènements méritent ce qualificatif (mais je n'aurai pas la prétention de juger de telles choses, comme le ferait une autorité compétente), et comme déjà dit, bien d'autres évènements sont qualifiés comme tel par des groupes de pressions divers. Voyons donc tout d'abords ceux qui s'y prêtent.

 

Un quatrième fait est parfois qualifié de génocide, avec une certaine raison. Il s'agit des massacres Khmers ayant eu lieu au Cambodge sous Pol Pot. Ce qui peut permettre de qualifier ces actes de génocidaires est le fait que la plupart des victimes étaient accusée d'être vietnamiennes, à tort ou à raison, ce qui au final a entraîné l'invasion du « Kampuchea Démocratique » par le Vietnam, à l'origine de la chute de ce régime atroce. A noter que le bilan de cet acte abominable s'élève à environ deux millions de morts sur une population totale d'environ 7-8 million. Le qualificatif est-il approprié? La plupart des victimes ont été anéanties selon un critère ethnique. Cet anéantissement était voulu et programmé, même si l'ensemble était assez désorganisé: il apparaît que la spécificité de la dictature khmère est son aspect assez « improvisé », avec un pouvoir tout sauf centralisé, contrairement aux autres dictatures communistes. Seule contestation possible: beaucoup des victimes n'avaient rien à voir avec le Vietnam et étaient accusées à tort. Cependant, c'est faible. Très faible. Et le fait que le motif de l'extermination était « officiellement » l'appartenance supposée à une ethnie peut suffire. Personnellement, je pencherais pour cet avis.

 

Un autre acte, plus proche et plus récent, a été dit « à caractère génocidaire ». Il s'agit du massacre de Srebrenica, car les 8 000 victimes ont été là massacrées sur un critère religieux, à savoir celui d'être musulmans. Cependant, je n'aime pas trop cette appellation: d'une part l'échelle est « trop petite » (même si ça fait une belle jambe auxdites victimes...) mais surtout le fait que la majorité des femmes et des enfants ont été épargnés, ce qui ne correspond pas à une extermination globale de tout un peuple. Il est clair cependant que certains lobbys musulmans aiment à rappeler ces massacres et à les amplifier pour se victimiser; le terme génocide étant particulièrement propice à un usage « détourné » tant il a une implication forte dans l'opinion publique. Malgré tout, on ne peut évidemment nier l'horreur du « geste » ainsi que sa préméditation, même si son ampleur est « négligeable » par rapport à d'autres. Pour moi, il s'agit sans aucun doute d'un crime de guerre, pour le reste, ce n'est pas si net.

 

A cela s'ajoutent d'autres faits, qui eux n'ont rien de génocidaire, malgré leur ampleur parfois plus vaste que, mettons, la shoah. Souvent, la mort n'est pas un but mais une conséquence. Ces actes sont qualifiés de génocides dans une volonté purement politique, en vue par exemple d'obtenir des réparations. Je fais là clairement allusion à tout ce qui touche de près ou de loin à la colonisation par les nations européennes de certaines terres, et de ce qui y est lié, par exemple la traite des noirs. Des cas souvent cités sont la colonisation de l'Algérie, le dépeuplement massif de l'Amérique latine au XVIème siècle ou encore la conquête de l'ouest. Un fait « annexe » est la traite des noirs.

 

La colonisation de l'Algérie n'a rien d'un génocide. Il s'agit d'une simple invasion militaire suivie d'une colonisation, avec mise en place d'un système ségrégatoire, cependant assez léger par rapport à d'autres. Bref, aucune extermination là dedans, même s'il est certains que divers actes n'ont pas été très « propres », euphémisme pour désigner des massacres. Mais encore une fois, entre massacre et génocide, il y a une nette nuance...

 

Un deuxième point important est la colonisation espagnole des Amérique, laquelle a été catastrophique pour diverses peuplades dont les plus connues sont les Aztèques, les Mayas et les Incas, et qui ont perdu 90% de leur population. Cependant, il ne s'agit clairement pas d'un génocide. La colonisation, datant en gros du début du XVIème jusqu'à sa moitié, a certes été violente: elle s'est faite par les armes, et a entraîné comme toute lutte armée son lot de massacres. Il faut rappeler en plus que beaucoup des conquistadores étaient des repris de justice qui fuyaient le vieux continent dans le but de se faire une nouvelle vie. Soyons clairs: beaucoup étaient des brutes sanguinaires. Cependant, bien vite divers ordres religieux se sont installés et développés au nouveau monde avec le soucis d'évangéliser les indiens, perçus déjà comme étant des hommes à part entière, et dont la situation s'est singulièrement améliorée après la controverse de Valladolid. Or, un fait marquant est à constater: ladite controverse a eut lieu en 1550, alors que la chute catastrophique de démographie date d'entre 1580 et 1600, soit au bas mot 30 ans plus tard, alors que les mauvais traitements avaient fortement diminués. Au contraire à ce moment, les sociétés étaient en plein métissage, ce qui implique des contacts étroits entre blancs et indiens. Les pertes subies par ces peuples proviennent en fait en majorité de maladies diverses, le rhume étant un candidat valable. L'autre partie provient de mauvais traitements, mais d'une part c'est comparativement négligeable, bien que honteux, d'autres part l'extermination n'est dans ce cas pas un but, mais une conséquence de l'esclavage. Bref, de manière indiscutable, cette conquête et ce qui a suivi n'a rien de génocidaire.

 

Un dernier point concerne le soit-disant génocide des noirs. Là encore, ce n'est pas le cas. Certes, cette déportation honteuse qu'a été la traite des noirs est proprement scandaleuse et horrible, cependant le but n'est pas l'extermination mais bien l'exploitation, ce qui est différent. Que cette exploitation ait entraîné des pertes très lourdes pour les ethnies africaines est indéniables, mais cela « ne suffit pas ». Regardons les chiffres: la traite triangulaire Europe-Afrique-Amérique a concerné environ 10 millions de personnes. Parmi elles, un à deux millions sont mortes. Les mauvais traitements étaient monnaie courante, ceci dit pour un négrier un noir mort correspond à de la marchandise perdue, donc à un manque à gagner. Pareil pour un propriétaire terrien exploitant des esclaves: ceux-ci n'étaient pas gratuits, et il n'y avait donc aucun intérêt à les massacrer. Cependant, il est clair que les conditions honteuses de voyage notamment sont à l'origine d'une surmortalité importante, de l'ordre de 10 à 20%. A noter qu'il y a eu d'autres traites des noirs: une traite interne à l'Afrique (principalement à destination des pays du Maghreb) ayant concerné environ 15 millions de gens, et une traite orientale via des esclavagistes arabes ayant touché 20 à 25 millions de noirs. Chose curieuse: à l'heure actuelle, diverses associations militent en Europe pour la reconnaissance en tant que génocide de la traite triangulaire, mais l'on entend rarement parler des deux autres traites, pourtant plus importantes et historiquement plus étendues. Fait marquant: ce sont les mêmes associations qui militent pour un soit-disant « génocide » en Afrique du nord lors de la colonisation française, nonobstant le fait que les pays du Maghreb ont déporté bien plus de noirs que l'Europe... Là, on est clairement dans le cas de groupuscules qui pour une raison politique tentent de nous faire culpabiliser de notre histoire, dans le but d'obtenir réparation, et de jouer avec nos éventuels remords... A noter que Dieudonné est l'un des plus fervent partisan chez nous de l'appellation de génocide de la « race noire ». Ce « comique » va jusqu'à affirmer que cette traite a concerné 600 millions de noirs. On voit là l'énormité et toute l'aberration dont est capable ce drôle: l'ensemble des traites a concerné entre 45 et 60 millions de gens. Le trait est donc un tantinet grossi...

 

On peut également parler de faits qui ont tout d'un génocide, mais ne sont pas reconnus comme tel, pour cause de limitation de la définition. Je pense là aux crimes communistes à l'encontre de diverses classes sociales. Pour comprendre, il faut savoir que l'on a tenté dans les années 50 (ou 60, honnêtement je ne sais plus...) d'amender la définition pour y ajouter le critère « classe social » en plus de ceux touchant à l'ethnie ou à la religion. L'URSS y a mis son véto. Forcément, l'accepter aurait été pour elle se tirer une balle dans le pieds... Car bien entendu, le fondement même de la révolution russe a été l'extermination des classes dirigeantes par le « peuple », ou en tout cas ceux se prétendant comme tel. Je nuance, car il faut souligner le fait que les principales victimes ont été les paysans, souvent réticents et donc jugés contre-révolutionnaires. Bref, on est loin des odieux exploitants capitalistes. Pour moi, et même si d'un simple point de vue juridique ce n'est pas le cas, un crime d'extermination d'une catégorie de personnes définies selon un critère politique ou social revient au même qu'un génocide, lequel est basé sur un critère racial. Quelques faits marquants: les koulaks (propriétaires terriens) d'URSS ont été déportés massivement: sur deux millions de déportés, un million n'en sont jamais revenus. Pour moi, c'est le cas typique d'une extermination programmée sur une population bien ciblée: bref sans aucun doute un génocide. L'holodomor (grande famine du début des années 30 en Europe de l'est due à la confiscation des récoltes sur ordre de Staline) est parfois présenté comme un génocide, en tout cas le gouvernement ukrainien essaie de le faire reconnaître comme tel. C'est pour moi délicat, car toutes les couches de la société ont été touchées sans distinction dans ce qui fut la plus grosse famine de l'histoire récente en Europe. Jugeons plutôt: entre 5 et 7 millions de morts dans un croissant compris entre l'Ukraine et le Caucase. Si le but était clairement de mater des régions jugées instables, l'extermination n'est pas nécessairement souhaitée, et le fait qu'il n'y ait eu aucun critère réel de délimitation d'une frange de la population empêche pour moi l'appellation de génocide. Pratiquement tous les régimes communistes mis en place, que ce soit en Europe de l'est ou en Asie, on exterminés de nombreuses personnes selon leur niveau social. A ce titre, ils sont pour moi de près ou de loin tous liés à des actes qui, de par leur ampleur, leur préméditation, leur froide mise en place et leur ciblages correspondent à la définition du terme « génocide ». Leur reconnaissance est cependant problématique, car plusieurs grandes puissances sont concernées (Russie et Chine surtout), et le communisme s'attire encore une sympathie certaine dans une frange non négligeable de la population.

 

Comme on le voit, la question est complexe, et il est certain que son analyse demande une certaine rigueur et pose souvent problème, de part l'importance même des faits concernés, et de leurs implications potentielles.

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10 novembre 2010 3 10 /11 /novembre /2010 23:59

 

S'il est bien un sujet sensible et délicat, en dehors de la religion, c'est tout ce qui touche de près ou de loin à la qualification de génocide. L'enjeu est énorme: il s'agit de l'un des pires crimes possibles et imaginables, à savoir en pratique l'extermination partielle ou totale d'un groupe d'individus. Bien entendu, reconnaître ce fait implique surtout de reconnaître une responsabilité, en général celle d'un état ou d'une partie d'un état ce qui entraîne des conséquences variées et non négligeables pour ce dernier: actions de réparations vis-à-vis des victimes, de repentance, mais également de rétablissement d'une légitimité fort mise à mal: qui en effet peut reconnaître comme légitime un organisme ayant commis l'impardonnable? Personne.

 

Cette importance considérable fait que la qualification, ou non, d'un fait comme étant à caractère génocidaire est bien souvent une arme politique. Qu'il s'agisse d'opposants à un régime qui accusent celui-ci dans le but de le disqualifier de la scène internationale, ou au contraire d'un responsable niant cette évidence dans le but de préserver son statut, l'enjeu est potentiellement important. Rares sont les états reconnaissants être impliqué dans un processus génocidaire, et ce même lorsque les preuves sont formelles, et à l'inverse nombreux sont les activistes de tout bord voyant dans le moindre massacre un génocide. Même lorsqu'une responsabilité est établie, il persistera toujours des sceptiques ou des malhonnêtes qui nieront la réalité. Et il faut noter que cette négation est un crime dans pas mal de pays. Le simple fait d'admettre ces derniers points indique bien clairement l'importance que cela revêt, pour ceux qui en doutent.

 

Avant de creuser et d'aller plus loin, il faut d'abords préciser ce que l'on entend au juste par « génocide ». Tout le monde en a bien entendu une vague idée, mais de là à en donner une définition rigoureuse... Or, quand on est face à un enjeu pareil, il convient au minimum de savoir de quoi l'on parle. Un génocide est l'extermination voulue et programmée de tout ou partie d'un groupe d'individus défini selon des critères ethniques, religieux ou raciaux. Cela implique plusieurs conséquences: d'une part une notion de planification: il ne s'agit pas d'un massacre ponctuel surgissant plus ou moins au hasard comme on en trouve des milliers dans l'histoire, mais bien d'un fait voulu et prémédité. D'autre part, il y a une notion d'échelle. Ici on entre dans un critère subjectif: à partir de quelle taille peut-on parler dé génocide? C'est là-dessus que jouent certains négationnistes pour minimiser les faits. Enfin, dernier point important: l'extermination est un but, et non une conséquence. Ceci est très important, car bien souvent des groupes de pression se basent sur cette nuance pour faire passer tel ou tel épisode historique comme étant un génocide, sous prétexte qu'il a été couteux en vies humaines. Or, un génocide va plus loin: non seulement la mort est une conséquence, mais elle est également voulue et désirée dès le départ. Si l'exploitation honteuse de certaine peuplade a pu entraîner une baisse de la démographie parfois catastrophique, le génocide va une étape plus loin: la mort ne survient pas « au hasard » d'une surexploitation, mais est clairement voulue à la base.

 

En se basant là-dessus, quels sont les génocides avérés dans l'histoire moderne? Et bien il n'y en a pas beaucoup. Et encore, leur reconnaissance fait débat. Le premier est sans conteste le génocide arménien par la Turquie à la fin de la première guerre mondiale. Et l'on voit que déjà là, ça pose problème: la Turquie ne reconnaît pas le qualificatif de « génocide » pour cet acte qu'elle ne peut cependant nier. Sa stratégie est de minimiser l'ampleur des massacres: elle baisse les chiffres à 300 000 morts alors que la réalité est entre 1 000 000 et 1 500 000. Mais quand bien même on limiterait le chiffre à « seulement » 300 000 morts, le fait que ces hommes aient été tués volontairement selon un critère ethnique, et avec une préméditation certaine (certains massacres ayant eu lieu 20 ans avant le génocide proprement dit) suffit amplement. Malgré tout ce que le gouvernement turc actuel peut dire, il s'agit donc bien d'un génocide, au sens strict du terme, et reconnu comme tel par la communauté internationale. Il est à noter que les Arméniens n'ont pas été les seules victimes: les Grec du Pont et les Assyriens ont également été éliminés, à hauteur de 800 000 victimes environ s'ajoutant donc au million (et demi?) d'Arménien.

 

Le deuxième génocide lui est difficilement contestable sans tomber dans le ridicule, tant il est avéré et plus « proche » (au moins géographiquement) de nous. Il s'agit bien entendu de la Shoah, à laquelle viennent se greffer l'extermination des tziganes, et celle des handicapés mentaux trop souvent oubliés. Je ne vais pas trop m'étendre là-dessus, tout le monde connait, il s'agit sans hésiter de la plus méticuleuses des entreprises d'extermination de l'histoire, à coté de laquelle le prototype turc fait figure d'amateurisme. Une monstruosité sans nom, ayant mobilisé une part non négligeable des moyens d'un état industriel moderne, qui plus est européen « civilisé » et proche de nous. Les raisons de le nier sont simples: d'une part peut-être une certaine honte, pour ne pas dire une peur. Peur de nous-même pour la simple et bonne raison que nombre de nos ancêtres proches ont été mêlés à ça, parfois même complices. Peur aussi en face de l'incroyable banalité que revêtait à l'époque le fait de dénoncer un juif, que l'on savait par-là même condamner à une mort quasi-certaine. L'autre raison est surtout l'œuvre de groupes bassement antisémites, qui en niant le génocide font passer les juifs pour d'affreux sionistes justifiant leur politique en se basant sur une dette au moins morale que nous aurions à leur égard. Bien entendu, une telle accusation est honteuse, mais est malheureusement facilitée par les actions de certains extrémistes juifs qui ont effectivement tendance à en rajouter et à se victimiser à outrance, sachant que nous avons une certaine sensibilité à leur égard découlant de notre honte pour ce qui s'est passé il y a 70 ans. Quoi qu'il en soit, rien ne permet de justifier la négation du génocide. J'ai visité le fort de Breendonk, qui durant la guerre a vu transiter vers la mort plus de 3 000 personnes. Je mets au défis quiconque nie le génocide d'aller le visiter. On le faisant, on ne peut s'empêcher d'avoir une étrange sensation, comme si on percevait les morts qui se sont entassés là. Je vous assure que l'on en ressort marqué à vie, et je ne peux que conseiller sa visite à tout le monde. Je n'ose imaginer ce qu'il en est d'un camp comme Auchwitz, qui a vu mourir plus d'un million de personnes...

 

Le dernier génocide en date reconnu « officiellement » est bien entendu celui du Rwanda. Là, aucune contestation. Des trois cités, il s'agit du plus récent, et il a ceci de particulier qu'il n'a pas fait appel à une grosses infrastructures. C'est le seul qui s'intègre dans le cadre d'une véritable guerre civile. Il ne s'agit pas du massacre d'une minorité par une majorité de la population, mais bien de l'élévation d'une frange entière contre une autre. Si les guerres civiles sont de loin les plus horribles, avec son lot de massacres entre voisins ou gens d'une même famille, l'échelle, la rapidité et l'organisation de celle-ci, largement préméditée, permet de qualifier cela de génocide sans aucun doute. Un million de morts, en 8 semaines, soit le plus rapide, ce qui prouve sa redoutable efficacité et son organisation. Paradoxalement, il a été mis en œuvre dans un pays très ruralisé, sans avoir recours à un système concentrationnaire comme dans les deux autres. Il s'est agit ici de véritables colonnes de la mort.

 

Voilà pour les trois génocides reconnus sans appel. D'autres évènements sont dits « à caractère génocidaire », et d'autres encore qualifiés entièrement à tort de génocide. J'y reviendrai prochainement, point par point.

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