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21 novembre 2010 7 21 /11 /novembre /2010 21:19

 

A l'heure où les pays membres de l'OTAN viennent de se mettre d'accord sur un avant projet de retrait de l'Afghanistan, il n'est peut-être pas superflu de revenir sur l'histoire moderne pour le moins complexe de ce pays, ne serait-ce que pour commencer à comprendre une part des enjeux le concernant. L'Afghanistan, pays martyr s'il en est, est aujourd'hui loin d'être en paix. Paix qu'il n'a d'ailleurs plus connue depuis le début des années 70. Retour en arrière sur près de 40 années de guerre.

 

Ce résumé n'est en rien exhaustif. La situation est complexe, et il est clair que présenter en un article l'histoire d'un pays mène à de nombreuses simplifications, découlant d'une part d'un soucis de concision, et d'autre part par la nécessité de choisir des bornes, soit des évènements servant de limite, de cadre. Que le lecteur « spécialiste » de l'Afghanistan me pardonne donc les approximations dont je dois faire preuve ici.

 

Les profonds changement qui ont fini par mener à la situation actuelle ont débuté sous le règne de Mohammed Zaher Chah, dernier roi d'Afghanistan, et qui a occupé le trône de 1933 à 1973. Ayant accédé au trône lors de la mort de son père à l'âge d'à peine 19 ans, et ayant dû faire face à une modernisation des mœurs et des aspirations populaires, il est inutile de signaler que cet homme n'a pas eu facile. Et malgré tout, on ne peut pas dire qu'il n'a pas essayé. Après avoir observé une neutralité lors de la Seconde Guerre, il a réussi à faire entrer l'Afghanistan à l'ONU en 1946. C'est ensuite que les premiers actes du drame se sont joués, pendant la guerre froide, lorsque le pays est devenu comme bien d'autres l'enjeu d'une lutte entre les Etats-Unis et l'URSS. L'un comme l'autre a tenté de pénétrer le pays économiquement pour le faire basculer dans son camp. Sans succès, entre autre grâce à l'habileté du Chah à préserver sa neutralité. Parallèlement, de gros progrès ont été faits dans la démocratisation et la modernisation du pays, en faisant passer la monarchie au statu de monarchie parlementaire, en améliorant la scolarisation et d'une manière générale les libertés d'expression. Malheureusement, le revers de la médaille a été que cette nouvelle liberté a permis à divers groupes islamistes ainsi qu'à des communistes de prendre de l'importance, et ce dans un contexte de tension internationales et de manipulations en tout genre de la part des deux blocs de la guerre froide. Autre problème: la nouvelle constitution, datant de 1964, interdisait dans un soucis de démocratisation l'exercice de toute haute fonction par un membre de la famille royale, ce qui devait mener au renvoi de Mohammed Daoud Khan, cousin du Chah, de son poste de premier ministre. Ce qui devait arriver arriva: l'instabilité d'un pays en pleine transition démocratique liée à des rancœurs de certains anciens hauts personnages allait mener à un premier coup d'état, mené justement par Mohammed Daoud à la faveur d'un voyage à l'étranger du Chah. Soutenu par les communistes téléguidés depuis Moscou, Mohammed Daoud allait pouvoir s'emparer du pays sans coup férir, et ce d'autant plus que le Chah en apprenant la nouvelle du coup d'état a décidé d'abdiquer et de rester en exil, dans le but d'éviter une lutte fratricide. Depuis son exil, le Chah est cependant demeuré en contact avec divers groupuscules afghans, et a participé à l'opposition aux Talibans avant leur chute. Il est à noter que le Chah n'est rentré de son exil qu'en 2002, peu de temps après avoir été déclaré « père de la nation », titre amplement mérité. Il est décédé courant de l'été 2007.

 

Mais revenons à Mohammed Daoud. Après avoir proclamé la république, en réalité un semblant de démocratie parfaitement illégitime et inféodée aux communistes, il a bien entendu dû affronter une opposition de plus en plus importante, car se considérant à juste titre non représentée par le pouvoir en place. C'est dans ce contexte que l'on a vu l'émergence de groupes islamistes de plus en plus puissants, bénéficiant dans une certaine mesure du soutien populaire grâce à l'exaspération causée par le régime. Daoud, pour préserver son fragile pouvoir, a tenté de jouer sur tous les tableaux en même temps: d'une part, en accordant des postes importants à des communistes, d'autre part en opérant un rapprochement au niveau international avec d'autres pays à majorité musulmane. Il est clair qu'en tentant de mener double-jeu il n'allait réussir qu'à se mettre tout le monde à dos... Cette situation allait mener à un deuxième coup d'état en 1978, orchestré cette fois-ci par l'aile dure des communistes afghans qui se sentaient dupés par Daoud et agissant comme de coutume sous les ordres directs de Moscou. Guère plus légitime que le précédant, et ne masquant aucunement son inféodation par rapport à une puissance étrangère, ce pouvoir-ci n'allait évidemment pas faire l'unanimité, loin s'en faut. De plus, comme tout gouvernement communiste qui se respecte, celui-ci allait très vite s'engager dans une féroce répression à l'encontre de tout ce qui est considéré comme contre-révolutionnaire, religieux inclus. Les troubles causés par des islamistes sous le règne de Daoud allaient cette fois éclater en une véritable révolution. Si l'on ajoute à cela des luttes d'influences entre différentes fractions communistes, on comprend aisément à quel point le pays avait à ce moment-là sombré dans le chaos. La machine était lancée, et à cette date l'Afghanistan était perdu.

 

Devant la fragilité du pouvoir communiste de Kaboul qui devait faire face à des dissensions internes auxquelles s'ajoutaient des menaces externes (islamistes notamment, soutenus de plus en plus activement par pas mal de pays limitrophes), Moscou s'est senti obligée d'intervenir en 1979, déclenchant ce qui allait être connu sous le nom de guerre d'Afghanistan, à savoir un conflit long de 10 ans. On sait ce que cela allait donner: le Vietnam russe, avec son cortège d'atrocités. Détenant les villes, mais incapables de se maintenir dans les provinces (montagneuses) du pays, les Russes allaient être obligés d'abandonner la partie, non sans avoir perdu 15 000 de leurs hommes... et tué un million de civils afghans. C'est à cette occasion que les milices islamistes se sont réellement structurées, soutenues de plus en plus par les Etats-Unis, lesquels voyaient là une occasion parfait d'affaiblir leurs adversaires soviétiques. Ce soutien, essentiellement logistique, allait notamment permettre aux islamistes d'abattre les hélicoptères de combats russes, clé de la puissance communiste. C'est également là que l'on allait trouver pour la première fois la trace d'un certain Oussama Ben Laden, chef d'un réseau de recrutement, d'entraînement et de soutien logistique aux milices islamistes, largement financé par l'Amérique. Le gouvernement communiste, une fois les Russes partis, n'allait pas se maintenir très longtemps: face à la pression des divers groupes populaires, il s'effondra définitivement en 1992, laissant place à l'anarchie la plus totale, aucune forme d'union n'existant entre les divers opposants au pouvoir.

 

La lutte allait cette fois se poursuivre exclusivement entre les diverses ethnies afghanes, plus ou moins islamisées et organisées autour de diverses milices. Parmi ces dernières allait rapidement se dégager l'une d'entre elle, à savoir celle des Talibans. Ces hommes, partisans d'un islam « pur », à savoir le plus archaïque qu'il soit possible d'imaginer, étaient engagés dans une véritable guerre sainte. Pour eux, le pouvoir politique, temporel, importait peu: seule comptait l'islamisation totale de tous les aspects de la vie des Afghans. Puissants, et bénéficiant de soutiens aussi bien étrangers qu'internes au pays (auprès de l'ethnie des Pachtounes), les Talibans n'eurent pratiquement aucune peine à s'emparer du pouvoir en 1996. L'archaïsme de leurs pensées et leur totalitarisme, pour ne pas dire leur stupidité chronique, allait faire de l'Afghanistan l'une des pires dictatures de l'histoire, où une simple longueur de barbe jugée inadéquate pouvait mener à la mort. La suite, on la connait: Al Quaida allait précipiter les évènements en attaquant directement les Etats-Unis sur leur sol, ce qui devait mener à la chute au moins temporaire des Talibans.

 

Aujourd'hui, cela fait près de 10 ans que nous sommes engagés dans ce pays. Et la situation est à peine meilleure. A l'instar des soviétiques durant les années 80, la coalition actuelle, si elle maîtrise relativement les villes, n'a pratiquement aucun contrôle sur les campagnes, formant la majeure partie du pays. Certes, le processus démocratique est lancé. Et il suffit de voir que la participation aux élections est supérieure à ce que l'on voit en France pour se convaincre que le pays est en quête de changements, mais un retrait prématuré des forces de l'OTAN risque de remettre tout cela en question. L'ennuie, et le danger, c'est l'extension du conflit au Pakistan voisin; il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une puissance nucléaire, et qu'il n'est jamais bon qu'une instabilité se développe à ce niveau. De plus, les Talibans sont sans doute parmi les seuls tarés au monde qui n'hésiteraient pas à s'en servir s'ils en avaient la possibilité...

 

En résumé, on peut dire que l'Afghanistan est l'exemple-type d'une nation en pleine transition démocratique et moderniste fauchée à l'âge précoce par un complot communiste déstabilisateur, comme tant d'autres pays l'ont été. Résultat des courses: 40 ans après, le pays est toujours ravagé, et les indices suggérant une amélioration imminentes sont plus que rares, et minces.

 

J'ai bien entendu fait l'impasse sur les motivations, notamment économiques, des grandes puissances pour intervenir, me contentant volontairement de la lutte est-ouest pour expliquer les tensions initiales. Il va de soit que ceci n'est qu'un résumé, et que les implications sont bien plus complexes; cependant cela suffit à expliquer de manière succincte les 40 années de guerre.

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